Prestige N° 126, Novembre 2003
Reportage Bassam Lahoud
Sa beauté a été chantée par Al-Mutanabbi et Lawrence d’Arabie. Foyer de tant de civilisations, creuset de culture, cité de pluralisme et d’ouverture. Délicieuse escale sur la route de la soie, Alep l’antique, ville de jardins qui offrait ses fontaines au voyageur assoiffé, a accueilli le monde entier au festival qui rendait hommage à ses traditions, son patrimoine, le talent multiple de ses artisans.
Entrée principale de la citadelle © Prestige / Bassam Lahoud
Privilégié lieu de rencontre et de dialogue, d’art et de culture, Alep, l’une des plus anciennes villes du monde, a accueilli au fil des siècles les peuples d’Orient et d’Occident. Le Festival de la Route de la Soie transmet cet esprit d’hospitalité. Y ont participé I’Italie, la France, le Japon, la Turquie, l’Egypte, le Liban… à travers des spectacles hauts en couleurs: costumes traditionnels, peinture, musique, danse, théâtre dont le moment fort était la mise en scène de la signature du traité entre la République de Venise et le Royaume d’Alep en 1207.
L’amphithéâtre peut accueillir plus de 2.500 spectateurs. Aménagé à la citadelle millénaire, parmi les plus anciennes et les plus grandes du monde. © Prestige / Bassam Lahoud
La silhouette imposante de la citadelle marque le paysage d’Alep, ville du Nord de la Syrie, qui a connu plusieurs civilisations: sumériens, akkadiens, ammorites, canaanéens, hittites, araméens, perses, macédoniens, romains, byzantins, seldjoukides.
Hammam au sein de la citadelle. © Prestige / Bassam Lahoud
Les vestiges de la citadelle d’Alep ont révélé que des civilisations s’y sont succédé durant près de cinq mille ans! Réaménagée à l’époque des Mamelouks, sa beauté sobre témoigne d’une maîtrise architecturale unique. Un fossé la rendait inaccessible à la poigne des envieux. La citadelle, considérée comme l’une des plus grandes du monde, renfermait le Palais royal, la Salle du Trône, un hammam qui faisait partie intégrante de la vie de la cité. Certains hammams d’Alep ont plus de huit cents ans.
Des boiseries ciselées rehaussent les plafonds du Palais de la Citadelle. © Prestige / Bassam Lahoud
Aucun conquérant n’a jamais pu envahir de force la citadelle d’Alep
L’artisanat textile à Alep remonte au IIIe millénaire avant notre ère. Les tissus d’Alep étaient réputés dans le monde entier. Les Pharaons en étaient grands amateurs comme le dévoilent des fresques égyptiennes antiques. Au cours des siècles, l’Occident, notamment Lyon, la ville des tisserands, s’approvisionnait à Alep. Très prisés, les soieries et… les tapis d’excellente facture. Preuve en est cette pièce précieuse dont s’enorgueillit le Victoria & Albert Museum de Londres: un tapis de Syrie.
Le nawl, le métier à tisser traditionnel. © Prestige / Bassam Lahoud
Les Arabes ont brillé dans les sciences, la médecine en particulier. Ils ont établi des laboratoires, des dispensaires itinérants et des hôpitaux. Chef-d’œuvre de l’architecture islamique, le Bimaristan Argoun a été édifié par le vice-sultan d’Alep Argoun el Kamili. Quatre pavillons isolés, un patio et une fontaine, plusieurs pièces et un iwan. On y distrayait les malades mentaux en leur lisant des contes, et on les traitait par la lumière, l’eau, les fleurs, le grand air, la musique…
Le bimaristan Argoun pour les maladies mentales construit à Alep en 1354, évoque la mémoire de l’illustre Galien qui vécut dans la province. Le premier hôpital au monde avait été créé à Damas au VIIIe siècle. © Prestige / Bassam Lahoud
Quelque cinq cents mosquées s’élèvent dans le ciel d’Alep. La plus majestueuse est la grande mosquée omeyyade réaménagée au XIVe siècle sous le règne du calife Sultan Bin Abdel Malak. Minaret de forme carrée typique de l’époque, chaire ciselée en ébène incrusté d’ivoire, mihrab de pierre ocre, rehaussé de moucarnassat (motifs stalactites), et colonnes à chapiteaux corinthiens, vestiges de l’église qu’Hélène, mère de l’empereur Constantin avait fait construire sur ce site.
La grande mosquée omeyyade et ses insolites colonnes à chapiteaux corinthiens. © Prestige / Bassam Lahoud Fleuron de l’architecture islamique, une succession de voûtes d’arêtes.© Prestige / Bassam Lahoud
Les demeures alépines sont la meilleure expression du patrimoine architectural de la ville. Portes discrètes, sous des arches finement sculptés d’arabesques, qui donnent sur un patio tout en fraîcheur aux magnifiques jeux de marbre reflétant l’ellipse des eaux. Art baroque et rococo donnent le ton sur des façades de calcaire blanc. Le tissu urbain est unique, les souks du XVIe ont préservé leur cachet traditionnel, les nombreux khans aux entrées en arcade, aux façades richement décorées sont considérés comme de véritables musées populaires à ciel ouvert et rendent la Vieille Ville d’Alep parmi les plus belles d’Orient.
«Haret» Sissi, appelée ainsi en hommage à l’impératrice d’Autriche, ancienne résidence devenue restaurant. C’est dans ce cadre au charme d’un autre temps que s’est tenue la conférence de presse du Festival. © Prestige / Bassam Lahoud
L’Institut Saint Basile, de l’archevêché grec-catholique, havre de paix et de sérénité
La cour de l’Institut Saint Basile, dédié aujourd’hui aux études de Tourisme. © Prestige / Bassam Lahoud
Alep a toujours cultivé la tolérance. Siméon le Stylite s’était établi dans les environs d’Alep. La ville avait même son évêque, l’un des premiers du christianisme, avant le Concile de Nicée. Un voyageur occidental nota que la ville comptait plus de 70 églises. N’est-ce pas aussi à Alep que le patriarche grec-orthodoxe Athanassios Debbas installa la première imprimerie d’Orient?
Archevêché grec-catholique d’Alep. © Prestige / Bassam Lahoud