Prestige N 80, Janvier 2000
Quand la presse écrivait de belles lettres son parcours de combattant s’appelait
CEDRE DU LIBAN
© Archives Prestige
Youssef Hitti qui comptait parmi son lectorat toute la communauté d’émigrés libanais était une sorte de trait d’union entre le siège patriarchal et les Libanais d’Outre-mer et entretenait une riche correspondance avec Sa Béatitude Elias Howayek (1843-1931) dont il était très proche. Patriarche maronite de 1899 à 1931, personnalité charismatique et incontournable de l’histoire du Liban, il n’hésita pas à ouvrir les portes du Patriarcat de Bkerké aux déplacés de la Première Guerre mondiale. (Les Libanais le choisirent pour les représenter à la Conférence de paix de Paris).
La presse du Liban a aussi sa belle époque, son âge d’or où, bien que jeune, elle sut s’affirmer comme quatrième pouvoir. Quelques hommes ont fait cette presse, l’ont forgée. Des hommes qui ont marqué l’histoire, plus discrètement que les hommes politiques mais avec autant d’efficacité. Youssef Hitti fut l’un d’eux. Fonder un journal était alors une aventure, et rédiger un article un exercice de belles lettres. Plume émérite, fondateur du cèdre du Liban à Rio de Janeiro en 1916, Hitti était un patriote. Il avait mis sa verve écrite au service de la nation et participait activement à la vie politique beyroutine, meme lorsqu’il se trouvait de l’autre côté du monde, en particulier lors de la Première guerre mondiale. Et s’il ne porta pas un seul jour les armes, ses pamphlets faisaient l’effet de coups de boulet.
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Cedro de Libano, journal fondé en 1916, à Rio de Janeiro, alors capitale du Brésil. Ce journal symbolisait la lutte contre l’Occupation ottomane. Après le départ des Turcs, Youssef Hitti revint au Liban publier Arzat Loubnan.
Il n’était pas n’importe quel journaliste. Et si ces correspondants apposaient à son nom le titre d’adib «homme de lettres», ce n’est que justice. Ecrivain brillant et…engagé, il fit de son journal Arzat Loubnan la tribune de ses discours enflammes pour l’indépendance du Liban. La presse du Liban n’est pas née avec l’indépendance, c’est elle qui a poursuivi assidûment ce rêve depuis le début du siècle, de Rio de Janeiro et ensuite du Liban où Hitti revient s’établir après le depart des ottomans. L’homme de presse publiait en portuguais à Rio, en arabe au Liban et parlait couramment le français entre autres langues. C’est à lui et à une poignée d’autres donateurs que l’on doit la Création de la Compagnie de Chasseurs, les vaillants combattants d’une Armée libanaise naissante. Arzat Loubnan est le plus que le nom d’un journal, ces deux mots qui avant la proclamation du Grand Liban, portent une signification profonde, une foi en une entité politique qui n’avait pas encore vu le jour. Youssef Hitti, natif de la ville côtière de Damour, qui donna au pays plus d’un poète et d’un écrivain, n’a jamais fait de compromis et ni failli à ses principes. Quelques jours après l’Armistice, le 8 mai 1945, à 55 ans, Hitti décède. Il avait réalisé que le Liban avait encore du chemin à parcourir avant de s’affranchir.
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A son arrivée à Beyrouth le 9 décembre 1925, le haut commissaire Henri de Jouvenel (1876-1935), ancien journaliste et sénateur, invita les grandes figures de la presse à un thé à la Résidence des Pins. Il leur fit part de son programme politique pour le Liban. C’est durant son mandat (1925-1926) que le Destour (la Constitution Libanaise) fut rédigé et que le premier président libanais, Charles Debbas, a été élu.
On ne peut citer la presse du début du siècle sans penser avec émotion à son pionnier, Youssef Hitti, qui côtoya l’histoire.
15.05.1945: Lettre de condoléances adressée par le député Me Nohad Bouez, père du député Farès Bouez, à la famille et la veuve de Youssef Hitti. Après la disparition du grand journaliste, son frère Khalil, décoré plus tard par le ministre de la Culture, Edmond Rizk, reprit le flambeau… © Archives Prestige La presse lui rend un hommage posthume. Ancien journalist à Arzat Loubnan, Fadel Said Akl, dont le père a payé de sa vie la sincérité de sa plume, lors de l’Occupation ottomane, martyr de l’indépendance fêté le 6 mai, a tenté de cerner dans le quotidian An-Nahar, article paru le 13 mai 1993, l’histoire ou plutôt l’aventure d’un homme qui, en deux mots, Arzat Loubnan, a marqué la presse. © Archives Prestige
Missive du 1er juin 1938 écrite par Youssef Hitti, doyen et père de «famille» pour ses frères, dont Chaoul, à qui il demande de garder précieusement tout document et toute letter qui leur a été addressee par le gouvernement du Liban. © Archives Prestige