Prestige N 41, Octobre 1996
Nous l’avons rencontrée à Beyrouth, à son retour d’Egypte où sa voix a accroché le cœur des foules jusqu’au sommet des Pyramides. Avec la même douceur, la même détermination, Magida el Roumi défend ses couleurs, la couleur de la vie, l’amour qu’elle chante, l’amour tout court, l’amour des autres, en artiste engagée, inchangée. Pour la coopérative Libanaise pour le Développement, elle chantera le 26 octobre à la Cathédrale St-Georges des Maronites.
© Archives Magida el Roumi
Qui a découvert votre talent? Ce sont mes parents qui ont découvert que j’avais une belle voix. Moi je me rappelle juste, qu’enfant, je chantais pour la famille. Puis un jour, j’ai participé à un programme à la télé, comme ça pour m’amuser. Le destin a voulu que cela devienne un chemin, un parcours, une vie.
Votre père s’appelle Halim el Roumi, cela a-t-il joué dans votre célébrité? Cela a été une grande chance mais pas dans le sens que vous croyez. J’ai vécu mon enfance dans un milieu familial artiste. Cela m’a aidée plus tard à ne pas m’égarer en route. Si c’était à refaire, je suivrais le même parcours.
Vous rentrez d’Egypte et de Jordanie où chacun de vos concerts a remporté un franc succès. Comment décrivez-vous votre expérience des pays arabes? J’ai déjà chanté 4 fois à Jerash. Le public jordanien et moi, nous sommes habitués l’un à l’autre. C’est vrai qu’avant d’entrer en scène, il y a l’angoisse, le trac, mais beaucoup moins à Jerash. Quant à l’Egypte, c’est la première fois que je m’y rends. J’ai paniqué lors de la sélection du répertoire. Mais les Egyptiens m’ont réservé un accueil très émouvant, respectueux. C’était pour moi une immense joie de découvrir qu’il y avait encore un public arabe qui apprécie les poèmes mélodiques, pas juste ces chansonnettes pour faire danser.
Quelle est la salle qui vous tient à cœur? Toutes, soit au Liban ou à l’Etranger. Chacune est inoubliable et porte un souvenir particulier, mais certaines escales ont été des moments-clés de ma carrière comme Jerash, Carthage, le Palais des Congrès et l’Olympia à Paris. Qasr el Mou’tamarat en Egypte.
Lors de vos voyages, vous prenez le temps de connaître le pays, sa culture, sa cuisine? Pas toujours, il faut bien que j’aie le temps, surtout avant et après les concerts, car il ya les entrevues et rencontres avec le public.
Dans votre métier, qu’est – ce qui vous plaît, qu’est-ce qui vous déplaît? C’est un beau métier. Surtout lors de la composition sur piano…un moment superbe, mais il ya en contrepartie la fatigue, l’angoisse. C’est dur lorsqu’on range constamment ses valises, lorsqu’on brûle de trouver le mot qu’il faut, un rythme qui plaise surtout aux jeunes. Le stress, cela ne finit jamais, on est soulagé à la fin d’un concert, mais ce n’est qu’une trêve.
«Quelle est pour moi la définition de l’Amour? C’est la couleur de la vie. Sans amour, la vie serait en noir et blanc»
Quelle musique écoutez-vous chez vous? J’aime la musique d’un peu partout et la musique classique. Ma musique de chevet est celle de mes chanteurs sacrés: Piaf et Aznavour. Je me place entre ces deux voix. J’aime aussi Pavarotti, Barbara Streisand, Fayrouz, Asmahan, Abdel Halim Hafez, un grand musicien…
Qui écoutez-vous de la nouvelle génération de chanteurs? Vous ont-ils apporté quelque chose de nouveau? Michael Jackson. Parce qu’il offre un contenu impeccable, ses clips éblouissent tout simplement.
Etes-vous touchée par les catastrophes dans le monde ou vivez-vous dans un autre monde? Elles me blessent profondément. Est-ce que l’Homme apprendra un jour à respecter la vie qu’il ya en lui, en les autres? Tant qu’existera la société, il y aura toujours la jalousie, le besoin de détruire. Le summum du crime contre l’humanité, c’est les abus que subit l’enfance dans le monde.
Quels sont vos projets actuels, un CD, peut-être un film? Le 1er octobre, un CD, un concert au bénéfice de l’Unicef le 26 septembre et le 5 octobre, un concert au Palais des Congrès à Paris. Ce sont mes plus proches projets. En hiver, je vais donner une série de concerts, dès que le nouveau CD sera sur le marché.
A chacun de ses concerts, une foule à son attente pour l’ovationner. © Archives Magida el Roumi
Détermination sous un air de douceur
Qui de vos filles a une belle voix? Noura mais il est encore trop tôt pour en juger.
Votre mari est votre manager. Comment l’avez-vous rencontré? Cela vous dérange-t-il de travailler ensemble?Au contraire, il m’aide énormément, sur le plan technique. Je n’y connais rien, son, lumière, relations publiques. Moi, je m’occupe du côté artistique, je lui fais entièrement confiance. C’est mon meilleur ami. Quand il n’est pas là, je me sens perdue. Je l’ai rencontré par hasard, son père était le médecin de mon père. J’avais alors 17 ans. On ne peut rien faire l’un sans l’autre. Comme si le temps passé avant de le rencontrer ne comptait pas du tout. Dans ce métier, on a besoin de collaborateurs fidèles qui mettent dans le travail toute leur émotion, une espèce rare à trouver et presque toujours, il s’agit d’un frère, un père, un mari…
Comment faites-vous l’équilibre entre le monde du spectacle et la maison? On s’y est habitués. On a eu deux enfants, et la musique elle aussi a grandi, évolué, à notre insu, au sein de notre maison. Ce sont deux choses indissociables l’une de l’autre. J’aime ma famille et je ne trouve pas difficile de me partager entre mon travail et ma maison. Je ne sacrifie aucun des deux aux dépens de l’autre. Le matin, je travaille ma voix, mes chansons. Mes enfants s’y sont habitués, comme aux rendez-vous de toute mère active. L’après-midi, invariablement, je reste à leurs côtés. Le soir, on est libres, Antoine et moi.
Quelle est votre chanson favorite? Votre compositeur préféré? Je les apprécie tous, chacun d’eux m’a transmis quelque chose, a ajouté quelque chose à ce que j’avais. Et je me suis le mieux exprimée à travers mes chansons patriotiques. Quel Liban chanter? Je me sens toujours très concernée par cette question. Rien ne vous touche plus que la vérité. Mes chansons patriotiques sont, dans leur ensemble, les plus proches à mon cœur. Bref, tous les compositeurs avec qui j’ai travaillé m’ont fait évoluer. Propos recueillis par AMIN ABI YAGHI.