Prestige N 262, Mai 2015
Elle promet de réduire le nombre des victimes sur les routes
Le problème des accidents de la route au Liban est enraciné même dans sa structure. Les autorités, en vue de faire face à la mauvaise conduite qui fauche des dizaines de vies chaque année, ont enfin décidé d’élaborer une loi espérant limiter le nombre des victimes. La nouvelle ambassadrice de Kunhadi, Inas Abou Ayyash, dévoile à Prestige les réalisations de l’Association depuis ses débuts ainsi que les projets futurs qui lui tiennent à cœur en vue de sensibiliser les jeunes, principales victimes, à une conduite réfléchie et responsable.
Inas Abou Ayyash, ambassadrice de Kunhadi. © Archives Inas Abou Ayyash
Quelles sont les statistiques selon l’Association Kunhadi en ce qui concerne les accidents et les victimes de la route en 2014? Peut-on comparer ces résultats à ceux des années précédentes lors des campagnes de sensibilisation de l’Association? Le Liban perd plus de 700 jeunes par an suite aux accidents de la route et plus de 14.000 blessés. C’est la première cause des décès des jeunes, tous entre 15 et 29 ans. Cela coûte plus de 1.4 milliard de dollars américains par an, ce qui correspond à 3% du Produit National Brut, le PNB. L’Association Kunhadi, depuis sa fondation en 2006, a pour objectif unique de réduire les collisions et leurs répercussions. Pour cela, notre priorité était de lancer une nouvelle approche pour la conduite par le biais de conférences gratuites données aux écoles et universités, et de créer de nouvelles activités en associant la jeune génération afin de la sensibiliser au danger d’une mauvaise conduite.
Quelles sont les principales causes des accidents de la route au Liban? La faute incombe à 85% au conducteur, pour les raisons suivantes: 1- Le manque de respect de la vitesse maximale. 2- La conduite sous l’effet de l’alcool.3- La conduite sans casque des motocyclistes.4- La conduite sous l’influence de la fatigue.5- La conduite sans ceinture de sécurité.6- L’utilisation du portable en conduisant. 7- Le refus des piétons d’utiliser les passages et ponts qui leur sont destinés. Nous avons remplacé le mot «accident de la route» par «heurt ou collision» car en fait c’est le conducteur qui est fautif.
Dans quelle mesure pensez-vous que les citoyens sont prêts à respecter le nouveau code de la route? Les deux meilleures clauses de ce code sont les 355 et 359. La première prévoit l’établissement d’un Conseil de sécurité routière, présidé par le Premier ministre avec pour membres les ministres de l’Intérieur, de la Justice, de l’Education et des Travaux publics qui traceront une politique de sécurité routière. La deuxième envisage la création d’une Commission nationale dépendante du Conseil et présidée par le ministre de l’Intérieur. Elle sera composée de représentants d’associations civiles impliquées dans le domaine de la sécurité routière. Si une décision politique serait prise pour appliquer le nouveau code de la route, le président du Conseil et les membres seraient impliqués et responsables, donc blâmés par le peuple en cas de non application de la loi. D’autre part le respect de cette nouvelle loi donnera au Liban l’occasion de participer au programme émis par les Nations-Unies en 2011 -et qui expirera en 2020-, engageant les pays à réduire de 50% les accidents routiers. Il va sans dire que ce nouveau code de la route entraînera une diminution de 40% au moins des accidentés. En fait, nous avons remarqué une nette diminution des collisions durant les deux premiers mois de 2011, suite à la loi concernant la vitesse. Incapables de ramener à 0% les accidents, nous pouvons cependant diminuer le nombre des victimes à l’instar des pays développés.
Quel est le rôle de Kunhadi concernant la nouvelle loi? L’Association Kunhadi a participé au premier Congrès ministériel international sur les mesures de sécurité, en présence de 100 pays représentés par leurs ministres des Transports et de l’Intérieur, à l’exception du Liban. L’article 359 du nouveau code invite les associations civiles à participer à la Commission nationale pour la sécurité routière en vue de fournir leurs commentaires et propositions pour l’application et l’évolution de cette loi. D’autre part, les associations devraient coordonner leurs efforts avec les responsables en lançant en grande pompe des campagnes de sensibilisation misant à habituer les citoyens à respecter chaque article de la loi. A cet effet, notre association est en voie de préparer deux campagnes pour l’année en cours. Dans ce contexte, j’invite le Premier ministre à dynamiser le rôle du Conseil national pour la sécurité routière suivant la nouvelle loi. J’espère que les médias ne viendront pas critiquer la loi mais lancer par contre des programmes éducatifs encourageants. J’espère aussi que cette législation s’appliquera en toute impartialité et qu’elle ne finira pas comme les autres, en une véritable source de bakchiches, de corruption, et d’abus de pouvoir des forces de sécurité dans l’élaboration des procès-verbaux. Il est d’ailleurs inconcevable de régulariser le trafic sans le recours à l’informatique, en insistant sur la transparence absolue pour élaborer les Cahiers des charges en vue de procéder à la réparation des routes selon les normes internationales. D’autre part, il faudrait encourager les citoyens à prendre leurs responsabilités en avisant les autorités sur les bavures commises par les forces de sécurité ainsi que sur les routes délabrées en vue de presser les responsables à agir. Un premier pas pour une bonne application du code.
Quelles sont les principales réalisations de Kunhadi en 2014 et quels sont vos projets futurs? *L’association «Groupement international pour la Sécurité Routière» est le premier projet sécuritaire modèle au Liban entre Antélias et Byblos sous le thème. Nous nous rencontrons pour que la vie ne nous sépare pas. *Kunhadi y a participé sur le plan sensibilisation et culture. *Nous avons aussi donné des conférences hebdomadaires aux étudiants. *Kunhadi a créé des passages sûrs pour les piétons devant plusieurs écoles dans cette région. *Elle a également assuré une campagne d’information soutenue par Saatchi C&M. *L’association Kunhadi a installé des réflecteurs sur l’autostrade Antélias-Bikfaya. *Elle a enregistré 42 émissions télévisées de 20 secondes chacune, un programme qui informe les téléspectateurs sur le nouveau code pour les prévenir des dangers d’une conduite périlleuse. *L’association a distribué gratuitement 90 casques aux motocyclistes livreurs du restaurant Zaatar w Zeit. *Elle a offert deux soirées aux jeunes avec taxi inclus, un «Taxi Night» dont le but est de propager la culture de «ne pas conduire sous l’effet de l’alcool». *Kunhadi a aussi lancé deux campagnes publicitaires autour de l’utilisation du portable et la vitesse. *Elle a réalisé un passage sécurisé pour les étudiants devant l’Université Américaine de Beyrouth ainsi que devant trois écoles dans l’espoir de voir ces passages devant toutes les écoles du Liban. *Elle a incité les conducteurs à ne pas prendre le volant en état d’ébriété le Jour de l’An en leur fournissant des services gratuits pour les conduire chez eux. L’intervention de Kunhadi auprès des jeunes durant les soirées de fin d’années 2011, 2012, 2013 a eu un impact tel qu’un grand nombre d’organisations et de sociétés privées a pris les mêmes initiatives en vue de prêcher les dangers d’une conduite en cas d’ivresse. Le ministère de l’Intérieur et des Municipalités a, à l’instar de Kunhadi, fourni aux fêtards du Jour de l’An, en 2013 et 2014, des voitures pour les ramener chez eux. L’Association Kunhadi a reçu le Prix de la Meilleure Association du Liban sous le patronage du ministère des Affaires sociales et l’appui de l’UNDP, ainsi que le Prix de la Meilleure œuvre sociale, en 2011 et 2014.
Vous prévoyez un lot de projets prêts pour l’exécution, tels un centre de psychothérapie, une école pour les conducteurs de taxi suivant les normes internationales de conduite. A quand tous ces projets? J’ai promis de créer le premier centre de psychothérapie gratuit en soutien aux victimes des collisions au Liban et au Moyen-Orient dans l’espoir d’avoir l’aide du ministère des Affaires sociales, ainsi qu’une école de conduite gratuite pour les chauffeurs des transports en commun suivant les normes de sécurité internationales. J’aimerais aussi boiser un jardin à Beyrouth à l’intention des victimes d’accidents de la route. J’espère réaliser ces projets dans le courant des années 2015 et 2016.
Propos recueillis par S.N.