Prestige N 263, Juin 2015
Armée d’énergie, de dynamisme, le tout couronné de magnifiques et grandes ambitions, Simone Tamer, appartenant à la quatrième génération d’une entreprise à 100% familiale, spécialisée dans les grandes marques horlogères, joaillières et médicales, maîtrise les atouts du succès. Pour elle, le temps est sacré. Mais il est aussi un ami qui permet de rêver et de planifier. Responsable de la division Articles de luxe au sein de Tamer Frères, Simone confie à Prestige son parcours, ses projets… et ses coups de cœur.
© Archives Simone Tamer
«Nous continuons à investir au Liban, ce pays auquel nous croyons.»
Simone Tamer, vous êtes la fille de l’homme d’affaires Jean Tamer. Depuis quand avez-vous rejoint l’entreprise familiale et pourquoi? Quelles études avez-vous effectuées? De quoi êtes-vous en charge au sein de Tamer Frères? C’est au Collège Notre-Dame de Jamhour que j’ai effectué mes études et décroché mon double bac, libanais et français, avec mention. J’ai obtenu mon BA à l’AUB et mon MBA à l’ESA, avant de m’envoler à Boston à Harvard Business School pour des cours exécutifs. En 2006 une compagnie multinationale m’a engagée dans le domaine médical. J’ai suivi toutes les étapes professionnelles de brand manager à marketing manager pour être neuf ans plus tard à la tête du département d’Articles de luxe chez Tamer Frères, une entreprise familiale.
Parlez-nous de Tamer Frères, leur histoire et leurs produits…Fondée en 1895 par Gergi Tamer, l’entreprise était au départ spécialisée dans la vente de matières premières. La deuxième génération s’est versée dans le commerce traditionnel en ajoutant de nouvelles activités au portefeuille opérationnel. C’est grâce à mon père qui fait partie de la troisième génération, que l’entreprise s’est développée dans plusieurs pays de la région en multipliant les affaires pour devenir actuellement une maison, certifiée ISO9001, à activités diversifiées, telles que le médical, le paramédical, le chimique, les solutions bancaires, les articles de luxe, etc. Tamer Frères reste une entreprise à 100% familiale, présidée aujourd’hui par mon père Jean Tamer. Nous dirigeons les différentes sections, avec les équipes en charge. Je fais partie de la 4e génération, et suis responsable de la division Articles de luxe. La cadette Joan a suivi des études en Finances à l’AUB puis décroché son MBA à l’ESA; Sharen, après ses études en Business entrepreneurial à l’AUB et une licence en droit, s’occupe de la division chimique; mon frère John a achevé ses études d’ingénieur et poursuit son MBA toujours à l’AUB. Quant à Crystel, elle a choisi la médecine comme ma mère, et se spécialise en radiologie.
Quelles sont les marques de montres représentées au Liban par Tamer Frères et depuis quand? Notre portefeuille de montres haut de gamme est très diversifié dans les différentes divisions. Nous choisissons les meilleures dans chaque catégorie. Dans le médical, nous représentons des marques prestigieuses depuis plusieurs décennies puisque nous sommes les partenaires de Siemens qui est numéro Un mondial pour les équipements médicaux, surtout pour les projets clefs en main. Concernant la division Articles de luxe, nous représentons: Audemars Piguet, Bomberg, Breitling, MontBlanc, Omega et Swatch, et ce, depuis des dizaines d’années. Chaque marque se trouve localement dans des boutiques personnalisées ainsi que dans des boutiques multimarques. Nous étions les premiers à nous installer au Centre Ville avec des boutiques mono-marques.
Au fil des années, vous avez ouvert des boutiques mono-marques, de MontBlanc à Audemars Piguet en passant par Swatch, Omega et Breitling. Pourquoi avoir parié sur des boutiques au lieu d’un seul point de vente multimarques? Nous détenons des boutiques mono-marques et d’autres multimarques sous l’emblème de Kronos. Toutes coexistent sur le marché pour offrir un choix différent à la clientèle. La multimarque facilite au client le choix entre plusieurs marques horlogères haut de gamme. Tandis que les boutiques mono-marques offrent non seulement un choix plus vaste sur les gammes de produits, mais aussi une personnalisation de la marque, une sacralisation de l’espace de vente, des collections complètes et souvent un espace de repos, des bureaux de vente plus vastes et plus confortables dans un décor unique, identique partout dans le monde, un service exceptionnel ainsi qu’une personnalisation des services vente et après-vente.
© Omega
Tamer Frères a un portefeuille de montres très diversifié
Comment définissez-vous le marché des montres de luxe au Liban? Il n’est pas simple de définir un marché avec beaucoup de tendances, la situation politique n’aidant pas et le «spending behavior» du client libanais est aussi paradoxal. L’année précédente malheureusement, nous n’avons pas reçu de clients étrangers ni des Arabes. D’autre part, le marché des montres de luxe reste très développé en termes de goût et de collections, nous choisissons nos collections pour plaire autant que possible au client libanais qu’aux touristes.
Que pensez-vous du marché parallèle? L’acheteur de montres haut de gamme subit aujourd’hui les préjudices du marché parallèle. Ces montres viennent de sources différentes et souvent inconnues. Leurs garanties et pièces justificatives sont généralement faussées, et les composantes des montres sont carrément remplacées. Nous recevons souvent dans notre service après-vente des pièces mal conservées durant le transport. Les «vendeurs à valises» dissimulent ces montres dans leurs poches pour échapper à la douane. Cette espièglerie mesquine aide les malfaiteurs à se dérober aux taxes gouvernementales tels la TVA et les droits de douane, et pire encore, ils vendent les montres au prix fort. Les droits des clients ne sont donc pas préservés quand il s’agit de réparations. Ces derniers viennent chez nous pour résoudre leurs problèmes, mais la réparation de leurs montres coûte souvent autant qu’une pièce neuve.
Qu’en est-il du consommateur libanais? Est-il un bon connaisseur? Le client libanais sait ce qu’il veut. Il recherche des pièces très souvent spéciales et limitées. Il reconnaît parfaitement l’historique de la marque et l’image à laquelle il voudrait s’identifier, démontre un goût très fin pour le luxe et adopte facilement les nouveautés. Notons que le Libanais reste avant-gardiste dans son goût par rapport au client du Moyen-Orient. La mode est lancée à partir du Liban.
Vos coups de cœur du SIHH 2015? La nouvelle Millenary Tourbillon d’Audemars Piguet avec cadran en aventurine bleue, une boîte en or gris 18 carats, sertie de diamants taille baguette, un savant mélange de complexité horlogère et de haute joaillerie qui offre à la femme un tourbillon élégant et précieux. Une autre pièce merveilleuse, la nouvelle MontBlanc Heritage Chronométrie ExoTourbillon Minute Chronograph Vasco da Gama, en édition limitée, inspirée de l’exploration de Vasco de Gama et du savoir-faire et de l’innovation de Minerva. La collection MontBlanc Heritage Chronométrie unit l’héritage de l’horlogerie suisse et la recherche de l’ultime précision.
De retour de Bâle, que retenez-vous de cette édition de Baselworld? Vos coups de cœur? Beaucoup de belles surprises à Baselworld cette année, dont la montre Speedmaster Moonwatch Chronographe d’Omega, 42mm, une montre conçue pour le «Silver Snoopy Award-45th Anniversary» ainsi que la pièce Speedmaster Moonwatch Co-Axial Chronographe «White Side of the moon», deux pièces à couper le souffle. Encore une nouveauté chez Breitling: la B55 Connected de Breitling, le premier chronographe connecté, d’où une nouvelle philosophie qui met le Smartphone au service de la montre pour accroître sa fonctionnalité et sa convivialité.
© Breitling © Montblanc © Audemars Piguet
«Le temps est un ami qui nous permet de rêver et de planifier.»
Nous avons remarqué un nombre considérable de «montres connectées» cette année à la Foire. Que pensez-vous de cette nouvelle tendance? Est-ce une menace pour l’horlogerie mécanique? Les «montres connectées» représentent une opportunité et non une menace. Aujourd’hui ce segment introduit le concept de «montre» à une génération qui en porte moins; cette clientèle high-tech va donc d’abord porter ces montres connectées pour ensuite déplacer son choix vers des montres plus sophistiquées de par l’image, l’histoire et le mécanisme de la marque. A mon avis, le poignet reste une zone assez personnelle, les différentes générations ne sont pas toutes prêtes à porter un mini-téléphone à leurs poignets. D’autre part, les batteries rechargeables de ces montres restent un véritable ennui car dans notre esprit, une montre n’est pas conçue pour être rechargée. Bien que le monde horloger ne craigne pas une invasion, on note un développement dans les collections des fabricants qui penchent légèrement vers l’esprit de la haute technologie, tout en respectant l’image de marque et les disciplines de productions horlogères suisses.
Vos conseils aux jeunes amateurs qui désirent commencer leur collection de montres… Les différentes marques horlogères offrent aujourd’hui un immense choix en termes d’esthétique, de technologie, de savoir-faire… Indépendamment de ce que le client recherche, une belle collection peut aujourd’hui comporter des montres simples, des montres compliquées, pas nécessairement un tourbillon mais des pièces fort intéressantes tels des GMT, des dual time, des calendriers perpétuels, des montres 15000 Gauss, des montres Diver… Le nouveau collectionneur peut aussi s’aventurer dans l’esthétique. En effet, nos clients commandent de plus en plus de bracelets dont certains sont conçus uniquement pour eux, avec des couleurs spéciales ou des bracelets Nato. D’un autre côté, plusieurs marques développent aujourd’hui des pièces à haute technologie horlogère en parallèle avec leur savoir-faire. Ces pièces sont spéciales et très intéressantes à acquérir.
«Le client libanais a le goût du luxe et adopte facilement les nouveautés»
Quels sont les projets de Tamer Frères? Malgré la situation qui prévaut dans le pays, nous n’arrêtons pas d’investir au Liban, ce pays auquel nous croyons énormément. Nous avons beaucoup de chance que le président de notre groupe soit de nature optimiste. Mon père répète incessamment: «J’achète au bruit des canons». Nous investissons et nous travaillons en permanence sur des projets qui composent notre portefeuille d’expertise.
Vous êtes aussi implantés en Iraq… Nous avons investi dans plusieurs boutiques de luxe en Iraq dont des boutiques mono-marques avec un personnel libanais de haute expertise. La situation actuelle en Iraq se dégrade à cause des problèmes géopolitiques mais nous restons très optimistes vis-à-vis de ce marché en développement.
Votre moment préféré de la journée? Notre déjeuner de famille au quotidien, un moyen de couper la journée de travail en deux mais aussi de discuter les différentes expériences ou de finaliser certains travaux en suspens.
Votre première montre? Une Swatch POP! toute rose, très originale. On pouvait enlever le boîtier de la montre et le placer dans différents casiers de bracelets. Je mettais de côté une petite somme de mon argent de poche pour m’acheter de nouveaux bracelets!
Vous ne sortez jamais sans… Mon téléphone naturellement! Et bien entendu… ma montre, que je choisis même avant de choisir mes habits ou accessoires.
Le temps: ami ou ennemi? Le temps est un ami, il nous apprend des leçons, mais aussi, s’il est bien géré, il nous offre les opportunités pour prendre des décisions, de rêver, de planifier, dépendamment de la manière dont on l’utilise. Et grâce à notre mémoire, le temps passé nous offre aussi de beaux souvenirs. Propos recueillis par MARIA NADIM