Rania Tabbara: La Passion de L’art

Prestige Nº 267,  Octobre 2015

L’amour de l’art est un art en soi… L’art d’aimer, de savoir, d’apprécier, de faire aimer, de communiquer et de partager cet amour avec les autres… Cette mission-passion est innée en Rania Tabbara, créatrice d’événements culturels et conservateur. Pour elle, l’art est un précieux outil de dialogue, unique et universel qui s’instaure et rassemble les peuples… C’est un art en mouvement… Animée de cette forte passion et armée d’une expérience forgée au fil des années, elle a créé récemment avec Rania Halawi à Beyrouth l’Association Art in Motion qu’elle évoque avec un grand enthousiasme à Prestige. Entretien.

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Rania Tabbara, créatrice d’événements et conservateur. © Archives Rania Tabbara

Il est évident que vous éprouvez un grand amour pour l’art. Qu’aimez-vous encore dans la vie? Trois amours comblent ma vie: ma fille Sarah, l’Art et Beyrouth.

Pourquoi Beyrouth? Beyrouth, parce que c’est la ville où je suis née, où j’ai grandi et où je vis toujours. Beyrouth est un carrefour culturel international qui a un rôle capital à jouer sur ce plan. C’est la raison pour laquelle je souhaite créer des événements qui lui confèrent cette place dans le paysage des destinations arty et qui contribuent à son rayonnement. C’est aussi un hommage que j’aimerais rendre à Beyrouth, à son sens avant-gardiste et à son infinie créativité… Elle est un diamant noir à découvrir avec tout son potentiel culturel lequel est aussi important que son rôle politique et économique. L’art lui permet de scintiller dans toute la pureté de son éclat. Mon engagement envers la ville repose sur le désir de la valoriser sur la scène internationale, en mettant l’accent sur son rôle actif dans l’art et la culture.

Et qu’en est-il de l’art? L’art est un outil précieux qui permet de comprendre le monde et de se comprendre soi-même. L’art transcende les frontières, instaure le dialogue, concilie les contraires… Artistes, collectionneurs, galeristes tiennent partout le même langage. L’art nous permet d’exprimer nos émotions et de construire nos rêves. Il permet de traduire et de refléter «la transparence de l’âme», sa face cachée, ses secrets… La découverte de nouveaux talents tout comme celle des grands noms déjà établis m’attire et me passionne. A travers cette rencontre entre les différentes cultures, de jeunes artistes ont l’opportunité de côtoyer avec enthousiasme de grands maîtres.

Donnez-nous un aperçu de votre formation… Ma formation artistique a débuté par un diplôme sur la peinture ancienne de l’Ecole des Beaux-Arts à Paris, suivi d’un diplôme de décoration d’intérieur et de design de la Lebanese American University. J’ai acquis par la suite une formation de «Curator», au Node Center de Berlin. Cette formation générale m’aide à poursuivre intensément le même objectif, à savoir contribuer au rayonnement de Beyrouth. C’est ainsi que j’ai lancé La Petite Académie, pour initier les enfants de 4 à 14 ans à la peinture et la sculpture, entre autres… Puis j’ai fondé l’association Ashkal Alwane pour exposer les pièces des artistes dans les espaces publics, afin de sensibiliser et faciliter l’accès du grand public aux œuvres d’art. J’ai également participé à l’organisation des grandes expositions d’artistes régionaux et internationaux à Beyrouth, notamment Beirut Art Fair, la foire d’art contemporain valorisant la région Moyen-Orient, Afrique du Nord et Asie du Sud.

Quel est votre credo? Promouvoir l’art du Moyen-Orient et renforcer le rôle de Beyrouth en tant que plaque tournante de l’art contemporain. Depuis plusieurs années je parcours le monde pour fédérer les investisseurs de l’art ainsi que les amateurs et collectionneurs d’art moderne et contemporain autour de la création artistique des régions ME.NA, en m’adressant directement aux collectionneurs du monde arabe et aux mécènes. Certains ont déjà contribué au rayonnement artistique du Liban dans le monde arabe et à l’international, alors que d’autres sont prêts à s’engager dans une telle mission pour soutenir les artistes qu’ils défendent.

Vous avez créé récemment Art in Motion…Ce sont ces mêmes valeurs précitées qui m’ont amenée à créer cette année l’association Art in Motion, AIM.A savoir rendre l’art accessible à chaque personne en la faisant intervenir dans la sphère de l’espace public. AIM rassemble des personnes engagées sur la scène artistique. Chaque année une exposition autour d’un thème, dans un endroit spécifique au Liban, réunira des artistes émergents et d’autres déjà établis pour créer une interaction et un échange entre artistes locaux et étrangers. Nous voulons sortir l’art des musées, poursuivre le dialogue et rendre l’art accessible à tous. Nous avons déjà reçu le soutien de nombreux collectionneurs et d’aficionados. AIM vise à être proche de tous les Libanais, à travers les arts visuels et performants, l’art en tant que moyen d’échange et de dialogue.

Votre vision de l’Association…C’est une vision spécifique, à savoir promouvoir l’art en tant que force unifiante et génératrice de dialogue, susceptible de franchir les barrières socio-économiques, culturelles et géographiques.AIM vise à faire revivre les espaces publics via les expositions et les événements culturels, à intégrer l’art dans les débats publics et les politiques nationales, et à promouvoir des ateliers et séminaires culturels à l’intérieur du pays et à l’étranger.

A quand la première exposition de l’AIM? La première exposition qui se déroulera en octobre 2016 dans un jardin public, proposera une rencontre entre des artistes libanais et du Moyen-Orient et des artistes français et européens.

Quel projet vous fait-il encore rêver? C’est un documentaire-installation sur la guerre au Liban que j’ai produit et réalisé. La direction est de Wafa’a Halawi. Il s’agit de «Shantet El Malja2», cette valise transportée à l’abri durant la guerre au Liban. Vivant au jour le jour, les Libanais accordaient une importance vitale à cette valise qui contenait tous leurs objets précieux et utiles, leurs papiers et tout ce qui pouvait leur faciliter leur fuite. Le documentaire relate l’histoire et les déboires de neuf dames avec leur valise, qu’elles avaient toujours sous la main à l’abri. Chacune à sa manière raconte son aventure, l’importance de sa valise, ses peurs et ce poids lourd qu’elle était contrainte de porter et de supporter.

Que visez-vous à travers ce projet? Dédié à toutes les mères et grands-mères libanaises, ce documentaire-installation sera projeté dans les principaux musées à l’étranger. Il reproduit l’intérieur des maisons libanaises à cette époque, une salle de séjour typique où trônent au milieu des rangées de vieux téléviseurs. Chaque femme raconte son histoire réelle d’une manière vivante. Une interaction est créée entre les personnages et le public, entrecoupée de dialogues et d’interaction. L’une parle, l’autre l’observe à travers un autre écran, une lance une remarque alors qu’une autre exhibe sa Shanta et son contenu.

Quel est votre leitmotiv? La volonté de transmettre cet engagement pour l’art à ma fille Sarah et de faire rayonner Beyrouth est déterminante dans toutes les actions que j’entreprends. Elle me donne l’énergie nécessaire pour continuer à avancer quand parfois des obstacles surgissent… Propos recueillis par MIREILLE BRIDI BOUABJIAN

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