Lara Kanso «Le monde a besoin De Poésie et d’Amour»

Prestige N° 273, Avril 2016

Dans son «Jardin d’Amour», Lara Kanso cultive paix, amour, sagesse, dans un environnement poétique et esthétique, sur une scène occupée par la musique et la danse… Performance poétique avec Roger Assaf, musicale, chorégraphique et théâtrale, «Jardin d’Amour» est une invitation au voyage à l’intérieur de l’Homme, au sein de la Terre et vers le Ciel. Inspirée du «Tambourin de Soie» et du «Cantique des Oiseaux», la performance développe le thème de l’amour charnel et spirituel, terrestre et divin, en alternance avec les poèmes chantés et dansés, et dans le mouvement orienté par le souffle de la poésie soufie. Aujourd’hui, dans ce monde noyé dans la violence et la destruction, l’homme a besoin de Poésie et d’Amour, le temps d’une soirée savamment concoctée par Lara Kanso au théâtre Monnot. Rencontre.

 

 

Lara Kansoo

Lara Kanso, auteure et réalisatrice de «Jardin d’Amour», production O de Rose. © Archives Lara Kanso

 

Vous avez écrit et mis en scène la performance «Jardin d’Amour». Voulez-vous nous la présenter? «Jardin d’Amour» est né d’un besoin profond de parler d’autre chose que de la guerre et de la violence. C’est pendant un de mes cours de Master en Théâtre l’année passée, que M. Roger Assaf nous a parlé de ce Nô intitulé «Tambourin de Soie». J’ai été fascinée par l’histoire et j’ai tout de suite senti que j’allais, un jour, la mettre en scène. Il y a aussi tout ce que le Japon et la civilisation japonaise m’inspirent. J’ai toujours privilégié les auteurs et le cinéma japonais. Et là, j’ai découvert le théâtre nippon: tout est en subtilités et en finesse, même la violence. «Jardin d’Amour» est une réécriture du Nô japonais dans une atmosphère plutôt soufie. C’est l’histoire d’une princesse qui s’interroge sur l’univers et sur Dieu; et d’un jardinier qui n’a jamais connu le désir avant de rencontrer la princesse. Leur rencontre va faire basculer leurs destinées dans un cheminement plutôt spirituel. Le chœur de cette tragédie est formé d’une danseuse de danse contemporaine, Kazumi Fuchigami, et d’une chanteuse soufie, Daline Jabbour. Le rôle de la princesse est joué par Sarah Wardé et celui de la Dame de compagnie et de la Rawiya par Rosy Yazigi. Le jardinier, c’est évidemment Roger Assaf.

Le soufisme marque la plupart de vos représentations…C’est vrai. Je crois que j’ai hérité d’un sang iranien du côté de ma grand-mère paternelle qui résonne très fort en moi. Je comprends et j’aime le langage soufi. Je trouve qu’il est pétri d’amour et de tendresse. Il véhicule de belles valeurs et une belle ouverture sur l’être humain, sur l’univers et sur Dieu. Dans le soufisme, tout le monde a sa chance et sa place. C’est un courant philosophique de l’Islam que je trouve lumineux.

Quel rôle joue le célèbre metteur en scène, acteur et scénariste Roger Assaf? Il est très difficile de parler du rôle de Roger Assaf. Il est d’abord, pour moi, une grande référence, un conseiller, un Maître. Son avis compte beaucoup et sa présence aussi. Son soutien et ses encouragements ont énormément alimenté mon travail. Il est aussi le jardinier dans la pièce.

«Jardin d’Amour» est inspiré d’un Nô japonais et d’un poème soufi. Quel rapport établissez-vous entre ces deux genres? J’ai senti la connexion entre ces deux univers sans le moindre effort. Je me suis inspirée du grand poème soufi «Le Cantique des Oiseaux» de Farîd od-dîn ‘Attar. Le voyage des oiseaux dans ce superbe poème suit sept vallées: les oiseaux passent d’abord par la vallée de l’Amour pour arriver enfin à la vallée du Dénuement de l’Anéantissement. «Jardin d’Amour» se fait également en sept étapes et traite les thèmes de l’amour et de l’anéantissement en Dieu ou dans la lumière divine. Ce que j’ai modifié dans le Nô c’est le personnage de la princesse et la fin de la tragédie. Dans le Nô, la princesse n’a aucune consistance; dans «Jardin d’Amour» c’est un personnage à part entière. J’ai changé également la fin des deux personnages: dans le Nô, le jardinier se suicide et la princesse sombre dans la folie. Dans «Jardin d’Amour», les deux suivent une évolution plutôt spirituelle.

Un dernier message? Il n’y a pas de message réel. «Jardin d’Amour» est une création artistique qui parle de l’être humain et des limites de la condition humaine. On s’identifie aux personnages, à leurs questionnements, à leur quête. C’est aussi un travail intéressant sur le plan esthétique: la scénographie, l’animation vidéo, les costumes. C’est une parenthèse de tendresse dans ce monde devenu trop fou pour moi. Propos recueillis par Mireille Bridi Bouabjian

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Laurent Ferrier

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