Guide Montres Juillet-Août 2016
Propos recueillis par Marcelle Nadim
À l’âge de 81 ans, Kurt Klaus qui était à la tête du Département du développement et de la recherche chez IWC Schaffhausen pendant presque 50 ans, fait régulièrement des voyages à travers le monde, où l’horloger et ambassadeur de la marque IWC bénéficie de son nouveau statut, partageant sa passion et sa connaissance de l’horlogerie classique avec les connaisseurs qui partagent avec lui les valeurs de la Haute horlogerie, Prestige l’a rencontré à Beyrouth durant l’un de ses voyages.
Kurt Klaus.
«Je suis un homme heureux et content de ma vie»
Kurt Klaus, quand avez-vous commencé à travailler avec IWC Schaffhausen? Après avoir étudié à l’école d’horlogerie de Solothurn dans la partie ouest de la Suisse, je voulais revenir à la partie Est où je suis né. J’ai donc demandé s’ils voulaient un jeune horloger chez IWC et j’ai été accepté, ce fut en Janvier 1957.
Ensuite, vous avez grandi avec la maison IWC? Oui, je devais apprendre beaucoup au début, étape par étape, j’ai assemblé un mouvement pour la montre d’aviateur chez IWC, puis j’ai été transféré au service de réparation, je réparais des montres me spécialisant dans les très vieilles montres, montres de poche d’IWC datant du début des années 1880, alors j’ai eu l’occasion de connaître les différentes montres qu’IWC produit, et appris la philosophie de la marque.
Quand avez-vous commencé à développer des mouvements? Albert Pellatton était mon mentor, je fis des prototypes pour ses développements.
Qu’en est-il de ces mouvements? Pellatton était directeur technique, inventeur, constructeur, il travaillait sur un nouveau calibre et j’ai réalisé la partie pratique faite main. Je devais essayer de faire des mouvements IWC Schaffhausen de plus en plus précis. La précision était une chose très importante chez IWC et quand Pellaton mourut, j’ai commencé avec mes premiers développements, autour de 1975. Je fis un mouvement pour montre de poche, un calendrier avec aiguilles, une date, les jours de la semaine, le mois et la phase de lune. La montre de phase de lune est la première complication IWC Schaffhausen jamais faite, jamais IWC n’avait produit des montres compliquées, première fois pour indiquer non seulement l’heure et la date, mais un calendrier complet, c’était une petite complication. Ce fut mon premier propre développement, c’était une expérience, mais les gens ont aimé. C’était une édition limitée de 100 pièces présentées à Baselworld, en 1977 et en deux jours les 100 pièces furent vendues. Je fis alors la montre du zodiaque indiquant les 12 signes de l’année et une montre de poche avec thermomètre intégré pour lire la température. Il était fonctionnel.
Qu’en est-il du calendrier perpétuel? Je fis ces systèmes de calendrier pour les montres de poche et quand la tendance pour les montres de poche fut terminée, c’était en 1981, j’ai commencé à faire un mouvement perpétuel sur une montre-bracelet, l’idée était de développer un mouvement existant. J’avais besoin de pas plus de 90 pièces pour transformer une idée qui était sans précédent dans son champ d’application dans une complication qui fonctionne.
Quelle est la philosophie d’IWC Schaffhausen? En deux mots, c’est la haute qualité et l’innovation. Le fondateur Florentine Jones était un inventeur de nouvelles fonctions dans la montre. L’idée de base de Florentine Jones était de produire des montres avec l’aide de machines. C’est la raison pour laquelle IWC Schaffhausen avait des centrales sur le Rhin, des centrales électriques mécaniques pour fournir de l’énergie à la fabrique. L’innovation était, par exemple, un système de régulation avec un très long index, qui a permis de se déplacer très lentement pour faire une régulation très précise de la lune. En 1884 IWC a produit les premières montres «numériques» de son histoire, avec des heures et des minutes en utilisant des chiffres, tandis que les secondes ont été présentées sous forme analogique avec une aiguille. Ce fut alors une véritable innovation et ils l’ont produit pendant environ 5 ans.
Il y a une montre nommée Kurt Klaus, qu’en est-il? La Da Vinci, édition Kurt Klaus. La Da Vinci est une complication adaptée à une utilisation quotidienne. Pour la première fois, la synchronisation des indicateurs de calendrier, y compris un affichage extrêmement précis de la phase de lune, ont été complétées par un affichage de l’année à quatre chiffres. A l’étonnement du monde de l’horlogerie, le calendrier a été construit de telle sorte qu’il continuerait de fonctionner correctement pendant plus de 500 ans.
Qu’est-ce qui était spécial sur cette édition? La nouvelle conception du boîtier, c’était l’idée de notre nouveau PDG Georges Kern, il a dit 20 ans de succès d’un modèle, le Da Vinci est un temps fou, nous devrions faire quelque chose de nouveau et nos designers ont créé ce nouveau boîtier. A cette époque il n’y avait que l’équipe d’ingénieurs, j’avais déjà pris ma retraite et nous avons développé un nouveau mouvement chronographe, je faisais partie du groupe, mais je ne le dirigeais plus.
Sara Yassine, Kurt Klaus, Marcelle Nadim et Erwan Dantan Directeur des Ventes.
Qu’avez-vous développé? Un nouveau mouvement chronographe complet qui a nécessité plus de quatre ans pour sa réalisation, 2007 a commencé avec une nouvelle Da Vinci après 20 ans, mais sur ce nouveau mouvement chronographe, le calendrier perpétuel ne cadrait pas, ils n’avaient pas la possibilité de faire à la fois le nouveau mouvement chronographe et de reconstruire le calendrier pour ce mouvement de sorte qu’ils l’ont conçu, ils avaient besoin pour ce nouveau modèle d’ une avance, un calendrier perpétuel et c’est exactement le même mouvement que nous avions en 1985.
Le calendrier perpétuel cadrait ici ou ils ont fait un autre mouvement pour cela? Nous avons utilisé le mouvement original de calendrier perpétuel de 1985 pour faire ce nouveau boîtier.
Vous êtes à Beyrouth pour donner une classe d’horlogerie, comment vous sentez-vous? Je suis heureux d’être en mesure de le faire. Les clients pourront démonter les parties d’un mouvement de montre de poche, puis le remonter. C’est bien qu’à mon âge, je sois encore capable de les aider à le faire.
Vous avez 81 ans et vous êtes toujours très actif. Je me réjouis de mes voyages réguliers à l’étranger, que ce soit à Dubai, Hong Kong ou Tokyo, où je rencontre collectionneurs avertis et connaisseurs de la marque pour échanger des idées. J’ai aussi ma famille, ma femme et les enfants. Je suis même un grand-père qui est mon plus grand bonheur dans la vie.
Quelle est la différence chez IWC Schaffhausen depuis vos débuts et ce qu’il est devenu maintenant? La nouvelle technologie, quand j’ai commencé en 1957, nous avions pour la production de pièces, des machines automatiques mécaniques, nous avons aujourd’hui les machines numériques, ordinateurs pour presque tout, sauf pour l’horlogerie. L’horlogerie est toujours la même. Aujourd’hui, quand je suis dans le département d’assemblage, ils font la même chose que je faisais il y a 60 ans, alors que le changement est complet dans la production de pièces, c’est toujours la véritable horlogerie dans le montage, la finition des pièces. Lorsque les pièces proviennent de la machine, elles sont techniquement correctes, précises, mais elles doivent obtenir une bonne finition, car une montre n’est pas seulement une machine, c’est un produit de luxe, et la finition est toujours faite à la main.
Souhaitez-vous ajouter quelque chose? Je suis heureux que l’horlogerie comporte toujours une part artisanale, l’assemblage est à la main, c’est un gage de qualité. J’étais toujours très rapide pour recourir aux nouvelles technologies, quand j’ai appris qu’on utilise l’ordinateur pour faire des dessins, j’ai acheté mon premier ordinateur il y a trente ans, après la Da Vinci. Et à partir de ce moment, je n’ai jamais fait un dessin au crayon, je fis tout sur l’ordinateur et c’est très bien.