Prestige N° 281-282, Déc. 2016-Jan. 2017
La pâtisserie? C’est sa grande passion, première et dernière… «Sweet Tooth» dès son jeune âge, Colette Yared Haddad, pionnière du domaine pâtissier à Beyrouth, a su cultiver ce don, ce goût pour l’excellence, en s’investissant dans la bonne pâtisserie. A la tête de la célèbre enseigne Cannelle, elle a réussi à allier merveilleusement volet gustatif et volet technique. Membre de Relais Desserts international, Cannelle a précieusement gardé son cachet artisanal et est fidèlement restée à l’écoute du client. Un beau parcours que Colette Yared Haddad relate à Prestige.
«Constance, innovation, tradition font notre réputation»
Vous êtes pionnière dans le domaine pâtissier à Beyrouth. Pourquoi avez-vous choisi cette section? J’avais un salon de Thé à Beyrouth mais je n’arrivais pas à l’achalander en gâteaux. Sur le marché, il n’y avait que des «Génoises-crème au beurre» déclinées dans toutes les formes. Pour moi qui voyageais beaucoup, je trouvais ces gâteaux lourds, sans originalité, sans variété… C’est dans ce salon qui était par ailleurs le restaurant «Le Retro», que j’ai croisé Béchara Nammour. Il m’a proposé de prendre la direction de «La Mie Dorée», qui n’était à l’époque qu’une boulangerie qui vendait ses produits sur place et dans les supermarchés. Mais grâce à la touche de Rita Nammour et sa sœur Sandra Tarazi, l’endroit était décoré comme un salon de thé anglais, et avait beaucoup de charme. Je me suis donc embarquée dans cette aventure, et le Salon de thé s’est mis à servir salades, sandwiches, devenant une adresse très fréquentée le midi. Toutefois, ce qui m’interpellait le plus, me passionnait, était le côté «pâtisserie». J’ai donc, avec l’aide d’un chef libanais, le regretté Joseph Frem, élaboré de nouvelles recettes, créé d’autres textures -le Rio Negro en est un exemple- développé la gamme des fours secs et frais, créant de toutes pièces une gamme de cadeaux de fêtes, des «arrangements», alors que Noura en avait le monopole dans nos régions, et une chocolaterie ad hoc. La belle aventure a pris fin suite à un conflit survenant huit ans après son début…
Comment est née Cannelle? Là, stimulée par mon associé Daniel Haddad et soutenue par lui, j’ai décidé d’avoir une pâtisserie telle que je la concevais. J’ai voyagé et durant cinq mois j’ai intégré trois écoles de cuisine. Sur un salon tenu pour les professionnels, j’ai acheté le matériel nécessaire, les moules et les cercles et je me suis mise à la recherche d’un chef français. Puis j’ai installé le tout dans un local que mon associé nous louait, et c’est ainsi que Cannelle est née.
Pourquoi avoir opté pour le nom de Cannelle, comme enseigne? Cannelle est une épice qui est souvent utilisée en pâtisserie. On la retrouve dans la tarte aux pommes, la brioche à la cannelle, à titre d’exemples. C’est aussi parce que je trouvais le mot musical, élégant et je me le suis approprié.
Pouvez-vous nous raconter votre évolution professionnelle? J’ai toujours été «Sweet Tooth» et chez mes parents je ne rentrais à la cuisine que pour faire des gâteaux, sablés et desserts divers. A «La Mie Dorée», je me suis découvert une véritable passion pour le côté technique de la pâtisserie. A l’aide d’encyclopédies j’essayais des recettes à la maison avant de demander au chef de les exécuter. Quand j’ai voulu me lancer, j’ai fait l’école Lenôtre, le Ritz et puis Ferrandi.
Cannelle est membre de Relais Desserts international. Pouvez-vous nous donner des détails à ce sujet? «Relais Desserts» est à la pâtisserie ce que «Relais et Châteaux» est à la cuisine et l’hôtellerie, des plus grands pâtissiers au monde tels Pierre Hermé, Dalloyau, Jean-Paul Hévin pour ne citer qu’eux. Etant parrainée par deux membres j’ai présenté une demande, subi un examen du laboratoire sur place… et été acceptée. Nous sommes contrôlés et examinés régulièrement, à l’improviste et par les délégués chargés de nous noter. Grâce à cette association, nous avons accès, le chef Lionel Pellé et moi-même, à des séminaires professionnels auxquels nous assistons à tour de rôle.
Que comprend la gamme de produits que vous présentez? Qu’est-ce qui vous caractérise? Nous offrons un éventail complet en boulangerie, chocolaterie, glacerie et entremets. Nous prenons en charge aussi bien les petites réceptions que les grands mariages. Notre gamme salée comprend des entrées, quiches, feuilletés et tartes ainsi que des bouchées et canapés-cocktail ou Tea O’clock, mais ne comporte pas de plats cuisinés.
Quel est le secret de votre réussite? Trois facteurs font notre réussite. La constance. Matière première de premier choix, même main-d’œuvre qualifiée, même rigueur dans l’exécution des recettes. L’innovation. Nous lançons des tendances depuis notre premier jour d’ouverture et jusqu’aujourd’hui. Pour cela, nous prenons en compte l’évolution européenne mais aussi et surtout le goût de la clientèle. Bien que notre production soit importante, nous gardons notre cachet artisanal et sommes à l’écoute de chaque client.
Cannelle est présente à Achrafieh et à Verdun. Avez-vous des projets d’expansion au Liban ? A l’étranger? Nous en avons certainement! Dès que la conjoncture économique sera plus favorable, nous désirons nous étendre mais sans devenir une chaîne impersonnelle qui ne fait qu’exploiter un nom. Propos recueillis par Mireille Bridi Bouabjian