Amanda McLoughlin est en mission au Liban depuis quatre ans, en tant que directrice du Département pour le Développement International (DFID), à l’ambassade de Grande-Bretagne. Au moment où sa mission s’achève, nous l’avons rencontrée pour en savoir plus sur UK Aid au Liban.
«Le Liban aura toujours une place dans mon cœur»
Comment êtes-vous arrivée dans ce domaine? J’y suis arrivée sous un angle étrange. Enfant, j’ai toujours voulu être journaliste, j’aimais lire et écrire. J’ai choisi de suivre des études de littérature anglaise, j’ai ensuite commencé à voyager parce que je voulais être correspondante étrangère. Je suis allée vivre au Cambodge où j’enseignais l’anglais, tout en essayant d’être journaliste en parallèle. Toutefois, je n’ai pas réussi à exercer ce métier, je trouvais difficile d’avoir à trouver constamment de nouvelles idées. D’autre part, j’ai constaté beaucoup d’inégalités au Cambodge, beaucoup d’injustices surtout à l’égard des femmes. Je me suis engagée comme volontaire dans une association caritative qui soutient les droits des femmes. C’est à ce moment que j’ai trouvé ma voie. J’ai présenté une demande au gouvernement britannique sur notre programme d’aide et développé ma carrière à partir de là. Nous avons un Département d’aide en Grande-Bretagne, en d’autres termes un ministère séparé appelé DFID, pour le développement. J’ai commencé en 2004 et travaillé sur différentes problématiques dans divers pays: au Pakistan, en Inde, en Indonésie, en Afghanistan. J’ai collaboré avec deux ministres Douglas Alexander et Andrew Mitchell, Secrétaires d’Etat pour le Développement International, en tant que conseillère.
Vous avez visité de nombreux pays, quelles sont vos impressions sur chacun d’eux? Quelle est la différence entre ces pays? A chaque pays son lot de défis, son aspect unique et attractif. C’est en Inde que j’ai passé la majeure partie de mon temps, et ce que j’ai trouvé était très intéressant en raison de cette longue relation historique entre la Grande-Bretagne et l’Inde, ce passé colonial avec ses aspects positif et négatif. En dépit de cette longue histoire, il existait une certaine méfiance entre les deux pays concernant le passé, qu’il était difficile de surmonter. Quand je suis arrivée au Liban depuis quatre ans, la situation était différente. Nous avons pu établir une relation sans préjugés, puisqu’il n’y avait pas cette relation historique étroite entre les deux pays. Nous pouvions dire au gouvernement libanais que nous sommes ici pour apprendre, pour être à l’écoute et baser notre approche sur ce que le pays attend de nous.
Pouvez-vous nous parler de votre aide aux municipalités? C’était l’idée des Nations Unies conjointement avec le ministère des Affaires Sociales. Ils ont soulevé l’idée de visiter les municipalités les plus vulnérables, celles qui accueillent le plus grand nombre de réfugiés, faisant ainsi face à des problèmes d’ordre économique. L’idée était de contribuer à alléger les pressions auxquelles elles font face.
Avec quelles municipalités avez-vous le plus travaillé? Nous avons collaboré avec plus de 200 municipalités, et la liste grossit, grandes et petites municipalités, à travers tout le Liban, au Nord (spécialement Tripoli et Akkar), au Sud, au Mont Liban, dans la Béqaa.
Cela veut-il dire que toute l’aide va aux réfugiés syriens? Pas du tout. L’idée est de savoir comment pouvons-nous aider les communautés libanaises à faire face? Nous avons identifié les municipalités accueillant beaucoup de Syriens, et l’UNDP a organisé des réunions en commun pour traiter les grands problèmes auxquels ces municipalités faisaient face, comme le traitement des eaux usées, la collecte des ordures, l’illumination des routes, leur réparation, le système des égouts. Nous avons ensuite financé l’UNDP afin de mener ces projets, en collaboration étroite avec les autorités locales.
Qu’en est-il des livres pour enfants? Quel est ce programme? Nous voulions être sûrs que tous les enfants des écoles publiques bénéficient de l’aide britannique. Nous avons remboursé les professeurs et les parents des livres du programme scolaire, l’aide était accordée à tous les enfants scolarisés, et non aux enfants syriens uniquement.
A part les livres, quelle aide fournissez-vous? L’aide a commencé avec les livres pour devenir ensuite une approche holistique, visant à renforcer l’éducation au Liban. Des fonds accordés aux écoles par exemple, à la recherche, aux programmes d’éducation informels, un appui au ministère de l’Education… Notre engagement total excède £160m sur une période de quatre ans, reversés à l’Education.
C’est une somme énorme, ce qui signifie que c’est plus qu’une donation de livres, pouvez-vous nous en parler? Nous travaillons avec d’excellents partenaires comme la World Bank et l’UNICEF, pour aider le ministère à mener à bien son programme RACE (Reaching all children with education, l’Education pour tous les enfants). Ce plan comporte plusieurs dimensions: assurer l’accès à l’éducation pour tous les enfants et améliorer la qualité de l’éducation. Nous avons une relation étroite avec le ministère de l’Education qui dirige ce programme.
«Je crois en ce pays et en son potentiel»
Quelle était votre mission avec les réfugiés? Depuis le début de la crise, nous voulions aider les réfugiés parce que nous croyons que c’est une crise humanitaire, nous fournissons une aide basique pour la nourriture, l’essence et l’abri afin d’empêcher l’aggravation de leur situation. La Grande-Bretagne est le plus grand contributeur sur le plan humanitaire.
Œuvrez-vous à travers le ministère des Affaires Sociales ou directement avec les réfugiés? Nous travaillons directement avec les Nations Unies sur le volet humanitaire, en coordination avec le gouvernement.
Et où va l’argent? Au UNHCR et à d’autres agences. Nous versons l’argent aux Nations Unies qui le remettent à leur tour aux réfugiés.
Comment évaluez-vous la direction de l’aide et le budget prévu? Avec l’aide humanitaire, nous voulons cibler les plus vulnérables, ceux qui ne peuvent pas acheter leur nourriture, ou qui sont endettés. Nous ciblons uniquement ces personnes, et non celles qui ont assez pour vivre. Avec le temps, nous espérons nous focaliser sur l’aide aux municipalités et à l’éducation, car elle peut avoir un impact à long terme dans ce pays.
Les Libanais ont l’impression que les pays européens veulent établir les Syriens au Liban. Qu’en pensez-vous? Je veux être claire, cela n’est pas notre objectif en Grande-Bretagne. Les réfugiés nous disaient à chaque fois qu’ils voulaient retourner en Syrie au plus tôt et nous voulons soutenir cette option. Le Liban s’est tiré jusque- là d’affaire par magie, mais il ne sera pas capable de continuer sur cet élan. Nous voulons travailler à rendre la Syrie viable sur le plan sécuritaire pour leur permettre de rentrer chez eux, le plus tôt possible. Notre soutien aux réfugiés n’est pas suffisant pour qu’ils choisissent de s’installer au Liban indéfiniment.
Avez-vous une histoire sympathique à nous raconter de votre vécu ici? Chaque fois que je visite une classe dans une école, je vis une expérience incroyable. Je vois ces petits enfants, apprenant pour la première fois, assis côte à côte avec leurs camarades libanais. Les professeurs libanais que j’ai rencontrés m’inspirent beaucoup, notamment les femmes: elles travaillent des heures doubles, elles donnent tout ce qu’elles peuvent aux enfants sans se plaindre, chose que je n’ai jamais vue ailleurs. Cela nous a inspirés à créer une campagne pour les héros qui verra le jour prochainement.
C’est quoi cette campagne pour les héros? Nous essayons de promouvoir le bon côté du Liban, le côté positif en trouvant quelques héros libanais, des personnes qui ont réalisé des choses extraordinaires. Sans être nécessairement réputées, mais ayant laissé un impact à travers leur travail, un changement positif. Nous essayons de choisir un top 10 de personnes que nous connaissons, qui seraient des aventuriers, des coureurs, capables d’être de bons ambassadeurs pour le Liban, dans tous les domaines.
Qu’aimeriez-vous ajouter concernant votre travail au Liban? Ce fut plus qu’un travail, ce fut une mission et à travers cette mission, je suis tombée vraiment amoureuse de ce pays. Je crois en ce pays et en son potentiel. Je suis convaincue qu’il sortira renforcé de la crise.
Quelle sera votre mission en Jordanie? Je travaillerai sur la crise des réfugiés afin d’aider les Jordaniens à y faire face, un rôle similaire à celui que j’avais ici, avec la possibilité de partager des expériences entre les deux pays. Propos recueillis par Marcelle Nadim