Guide Montres, Juillet-Août 2016
La modernité pour diriger la tradition
La Maison horlogère de grand luxe, Piaget, sous la direction de son CEO Philippe Léopold-Metzger, se voit adopter aujourd’hui un profil plus jeune en prenant toutefois soin d’investir dans sa maîtrise technique et ses compétences historiques qui ont fait sa réputation, en particulier au niveau des mouvements extra-plats. Pour en savoir plus sur les nouveautés apportées notamment dans le développement de la joaillerie, Prestige a rencontré Philippe Léopold-Metzger dans le cadre du SIHH à Genève.
Nous avons remarqué beaucoup de nouveautés dans ce salon, des changements, un nouveau look, une nouvelle vision, une radiance… Comment expliquez-vous cela? Comme on parle constamment de l’ADN des marques, nous avons refait un peu l’archéologie de la marque et sommes retournés à 1874 pour redécouvrir nos valeurs, quelles que soient les époques. Nous avons décelé en fait trois périodes, la première s’étalant de 1874 jusqu’au début des années 50, la deuxième des années 50 jusqu’à l’achat de Piaget par un groupe, et la troisième s’étend jusqu’à nos jours. Nous avons la chance d’avoir encore Yves Piaget aujourd’hui, car c’est grâce à lui que les valeurs se sont transmises au fil des générations. D’un côté nous avons pu identifier l’audace, la liberté, cette volonté d’avoir un côté joyeux, social, et nous avons pu partager ces propriétés avec les autres. Nos produits ont de l’allure, nos clients en ont aussi. Nous transmettons cette allure à nos produits que nos clients portent à leur poignet, ce qui nous contraint à toujours faire mieux. Nous avons développé un concept porteur, pour l’instant c’est la radiance que nous avons voulu illustrer au départ dans le stand, et puis par le biais d’une nouvelle campagne de communication. C’est une façon d’être, de s’exprimer, de paraître, qui va devenir très significative pour la marque.
Vous remettez donc au goût du jour des concepts qui ont toujours existé telles l’allure, la radiance. La radiance a toujours été là mais elle n’a probablement pas été bien exprimée à travers la marque. Les produits ont toujours été très beaux, nous sommes en voie de réaliser un brand book de 250 pages qui exprime de façon très précise la manière d’utiliser les couleurs, d’organiser l’événement…
Et comment va-t-on de l’avant avec les produits? Continuez-vous l’histoire que vous avez écrite avec l’extra-plat? L’extra-plat demande une reconquête du marché qui avait été très important pour nous jusqu’à la fin des années 60. Ce qui est important aujourd’hui ce sont les montres joaillières, la joaillerie qui n’est pas présente ici mais qui devient une part importante de notre activité. Quoi qu’il en soit le marketing est devenu un bien nécessaire.
Vous avez enfin une complication pour femmes, pourquoi avoir mis tout ce temps à la réaliser du moment que Piaget est un fabricant de montres masculines aussi bien que féminines? Nous restons assez sceptiques sur le nombre de femmes qui choisiraient un mouvement mécanique, un mouvement automatique par rapport à un mouvement quartz. Pour une femme, une montre est un bijou qui donne l’heure, même pour les hommes, la montre est un statement qui donne l’heure alors qu’en horlogerie nous vendons uniquement des montres mécaniques, automatiques à des hommes. Nous avons préféré attendre pour nous assurer qu’il y avait vraiment une tendance plus marquée chez les femmes. Lorsqu’elle vient en boutique, la dame va choisir la montre qui lui plaît, alors que l’homme voudrait connaître les détails, le mouvement de la montre qu’il offrira à sa femme. Constatant la demande, nous avons conçu une jolie complication pour femmes, Limelight Stella.
C’est la raison pour laquelle vous avez choisi Moon phase? La femme n’est pas à la recherche d’un mouvement tourbillon ou d’une répétition minutes, elle cherche un statement, un design important, il est vrai que la Moon phase donne un côté très féminin à la montre.
Le boîtier est-il nouveau? Le boîtier est inspiré de celui du modèle Gouverneur pour homme, en modèle femme nous l’avons nommé Stella.
Pour les femmes également, vous aimez beaucoup introduire l’expertise horlogère et le know-how joaillier, notamment avec les nouveautés milanaises. Nous avons toujours mêlé les deux, aujourd’hui les femmes continuent d’aimer les bracelets en or, mais elles exigent un produit qui soit un peu plus souple, plus léger, nous avons donc réalisé que le concept d’un bracelet milanais, très fin, très souple, très agréable à porter, serait parfait pour cette montre.
Chez les hommes, la plus fine a toujours été dans l’ADN, et à présent vous êtes dans la Concept Watch. La Concept Watch est une montre qui n’est pas destinée à la vente, c’est un instrument de communication. Aujourd’hui la situation est différente, il s’agit d’une montre que nous avions lancée il y a quatre ans, et après avoir revu le concept de ce mouvement-là, nous avons décidé de lancer à présent cette montre qui est exactement la même, la seule différence réside en l’échappement qui est remplacé par une génératrice, ou le tourbillon, sinon tout est identique. Ce système garantit une très grande fiabilité en termes de précision et une meilleure résistance au magnétisme, un échappement traditionnel est extrêmement sensible, celle-ci est beaucoup plus résistante aux chocs. C’est une technique innovatrice. Il faut réveiller l’industrie qui est un peu dormante. Les innovations sont nombreuses et c’en est une de plus. L’étape suivante serait d’arriver à l’adapter. En termes de prix, celui-ci sera le même que le prix d’un mouvement automatique traditionnel. Nous préférons d’abord nous assurer de l’intérêt et de l’acceptation de la montre à la fois par un public d’hommes et de femmes intéressés par l’horlogerie. L’année prochaine nous célébrerons les 50 ans d’Altiplano, nous avons l’intention de travailler sur des montres très fines, et de nous assurer que la montre a une très bonne réserve de marche. C’est un domaine très complexe, il ne faut pas sacrifier la performance pour avoir une minceur supplémentaire.
Piaget Altiplano. Métiers d’art. Polissage à la poudre de diamant. Photo: Piaget
Dernier mot pour nos lecteurs. Le Moyen-Orient est l’un des marchés que nous pensons développer très vite. Nous avons déjà complété notre réseau boutiques. Piaget a inauguré cette année une boutique à Riyad, l’année prochaine à Qatar Villagio. Piaget sera aussi le sponsor principal de Art Dubai. Nous aimons réussir avec la clientèle du Moyen-Orient, une clientèle exigeante et connaisseuse, c’est un gros challenge pour nous.
Avez-vous quelque chose de précis pour Art Dubai? Nous aurons beaucoup de pièces de leur patrimoine et beaucoup de pièces nouvelles. Un équilibre entre la tradition et la modernité. Propos recueillis à Genève par MARIA NADIM