Rosy Boulos

Prestige N 287-288, Dec. 2017-Jan. 2018

 

Une histoire d’amour lie Rosy Boulos au Département des secouristes et des urgences à la Croix-Rouge Libanaise, qu’elle préside. D’une fascination par une mission à une passion pour une cause, il fallait un pas. Ferme et résolu. Rosy Boulos l’a franchi avec un dévouement total et une satisfaction absolue… Cette vocation première n’est pas unique. Membre du Conseil exécutif du Marathon de Beyrouth et de plusieurs associations auxquelles elle croit, sa vie est foisonnante d’activités qu’elle puise dans le social, au service de l’humain. Pour son grand bonheur. Rencontre.

 

 

Rosy Boulos. © Archives Rosy Boulos

 

«La mission des secouristes me passionne»

 

Comment est né votre enthousiasme pour le social? Durant la guerre civile, nous vivions dans un appartement entouré de baies vitrées. Notre quartier était très bombardé, une caserne militaire étant près de chez nous. La journée se limitait à écouter les nouvelles, à discuter politique et à boire du café. Le pays allait à la dérive et moi je culpabilisais. Je rêvais de participer à cette guerre qui se déroulait sous mes yeux. Une chose me fascinait: les sirènes des ambulances de la Croix-Rouge et ces jeunes qui risquaient leur vie en arrivant en même temps que les obus qui tombaient. Jusqu’au jour où une petite fille souffrant d’une crise d’asthme, nécessite son transport par ambulance. Celle qui arrive est kidnappée par des éléments armés, et une autre arrive. Le lendemain, je me suis engagée à la Croix-Rouge.

Vous présidez depuis 2006 le Département des secouristes et des urgences. Parlez-nous-en… Les jeunes de la Croix-Rouge n’avaient ni gilets pare-balles, ni casques anti-éclats. L’ambulance tombait souvent en panne sous les obus, et ils étaient très motivés. Je me suis prise d’une passion pour ce département, et j’ai découvert combien le Libanais était grand dans les malheurs. Quelque temps après, j’ai rencontré une femme exceptionnelle: May El Khalil qui venait du Nigeria et parlait d’une nouvelle culture qui m’a passionnée: le Marathon. Mettant à sa disposition mes connaissances, elle m’a demandé d’être membre du Conseil exécutif. Depuis, je suis ravie d’être à ses côtés. En 2006 donc, le pays était en guerre avec Israël. Dans ce cas, la Croix-Rouge Internationale intervient pour répondre à nos besoins, faisant appel aux Croix-Rouge du monde. Malheureusement ces aides arrivaient trop tard. Nous avons eu 13 martyrs mais les secouristes ont été admirables. Ils sont tous volontaires et viennent des quatre coins du pays, toutes confessions et appartenances confondues. Après une sélection sévère, ils reçoivent une formation super professionnelle d’un an, conforme aux normes internationales. Les blessés, les frères et les sœurs des martyrs sont toujours secouristes à la Croix-Rouge, et les parents sont dans les comités régionaux.

Vos études de droit ont-elles été utiles dans votre vie? Elles ont été essentielles. Jusqu’à 18 ans, j’étais un rat de bibliothèque, mais incapable de vivre ma vie. J’ai fait un peu d’introspection pour retrouver mon équilibre. L’émission télé «Le Procès» me passionnait, ayant toujours rêvé de devenir avocate. J’ai donc fait des études et un doctorat en droit, et cela m’a sauvé la vie. J’ai épousé Nagib Boulos, un juriste diplômé de Harvard. Nous parlions le même langage.

Qu’avez-vous fait dans le Koura? Mon mari construisait un projet à Kafar Akka, une école technique supérieure à but non lucratif et une université. J’ai installé une bibliothèque de 400m2 au premier étage et formé des volontaires pour découvrir les talents des 500 enfants venus de la région. J’ai également fondé une garderie et effectué des visites avec 80 jeunes professeurs de diverses disciplines. J’ai même été élue membre de la municipalité. Lorsque le projet de mon mari s’est achevé, je ne me suis plus occupée du Koura.

Vous avez une vie sociale active… Très active même. Les personnes, le contact humain m’intéressent autant que le social. Connaître des gens permet l’échange des services. Je m’adapte à tout le monde.

Le secret du succès? Le succès arrive aux gens qui ont reçu un don à leur naissance et qui savent le cultiver. La réussite est basée sur un travail et sur une chance qu’il faut savoir saisir. Mes parents disaient: «Il faut faire pardonner deux choses dans la vie, sa réussite et sa fortune. Et ne jamais dire: «je, j’ai, moi».

Le bonheur pour vous, c’est… Un instant durable, des moments inoubliables qui vous aident à supporter la vie. Le comble du bonheur? Un wapp de ma petite-fille me disant: «Tu me manques, ça fait une semaine que je ne t’ai pas vue. Please, invite-nous à déjeuner samedi». C’est ça le bonheur.

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May El Khalil

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